Est-ce qu’y en a qui ont des adolescents à maison? Oui? Vous devez être contents d’être ici! Non non, les adolescents, y paraît que c’est jusse les nôtres qui sont d’même. Non, y paraît qu’ailleurs sont ben fins. Moé, des fois, j’rencontre du monde, ym’disent: « Ah! Vos enfants sont assez bien élevés! » « Ah oui??? Ben quand y sont chez vous, pouvez-vous faire un vidéo pis me l’envoyer parce que chez nous, y ont pas d’allure! »
Non, faut pas généraliser parce que les adolescents sont très gentils. C’est jusse vers 15 ans, han? Un moment donné, là… Moé, l’mien, ça y a pogné à 15 ans. Eille, là tu sais pus quoi faire avec ça! Tu parles à ça, c’est pareil comme parler aux murs. Même que c’est plus l’fun parler aux murs. Tu sens ta voix qui r’vient, toujours! Eille, là tu parles à ça, tu serais mieux d’pas parler, chose! L’autre jour, y était là, j’me r’tourne pour y parler, y était pus là, y était rendu là! Parce qu’en plusse, y grandit à vue d’oeil: un pied en un an et d’mi! Pauvre enfant, grandir de même, ça pas d’sens! Là, y est maigre maigre maigre, han? Les bras trop longs, les culottes trop courtes, on dirait qu’la peau de son visage arrive pas à s’étirer assez pour faire le tour de toutes ses boutons, ah… Y fait peur, eille! Ça pas d’bon sens.
Pis c’est comme si son développement moteur avait été inversement proportionnel à son développement physique. Eille, à quatre ans, c’t’enfant-là parlait, y marchait, y s’lavait, y s’habillait tout seul! Là, y a 15 ans: y parle pus, y marche pus, y s’lave pus, y pue. Pis y mange! Y mange, Ah! Y s’lève de table après souper, c’est pour aller voir si y reste queque chose dans l,frigidaire. Ah! oui, c’t’enfant-là a jusse un but dans la vie: vider le frigidaire! Non, moé pis ma femme, on s’cache du manger en d’sour du lit, sans ça on mangerait jamais! Pis en plusse, quand tu l’chicanes, y grogne: « EUUUURGH!! Parce qu’y parle pas à c’t’âge-là: y grogne. En faite, c’est toute c’qu’y fait dans vie: y mange pis y grogne! Y mange pis y grogne! J’ai dit à ma femme l’autare jour: « Y mange pis y grogne pis y mange pis y grogne, des fois j’me demande si on s’rait pas mieux avec un gros chien. » Non, mais un gros chien ça mange pis ça grogne, mais au moins quand tu y fais plaisir, y s’fait aller la queue! Eille, lui, avant qu’y s’fasse aller queque chose…
Non, y a un couple de semaines, un moment donné j’pensais qu’y était pour se faire aller pas mal, t’sais? J’rentre de travailler, y avait ouvert le frigidaire, naturellement, y était accoté dans porte, y était après boire à même la pinte de lait. Je l’aurais étripé… mais y est plus grand qu’moé. Fa que là, y m’voit passer, y dit: « HARGH! HAHEU! » J’ai dit: « Chus ben content pour toi. » Non, y voulait dire: « J’ai un party samedi soir. » Ben j’ai dit à ma femme: « Là, au moins, y va s’exciter, ça va être le fun! » Eille, la gang est arrivée, j’ai dit: « Ça va swigner dans maison! E-rien! Y s’assoyent pis là y écoutent d’la musique. Quatre heures de temps sans bouger. La musique! Eille, tellement qu’un moment donné, vers onze heures et quart, y en a un qui a bougé, j’ai faite un saut! J’ai dit: « Si t’es pour être malade, va sniffer d’la p’tite vache dans cuisine! »
Eille, c’t’enfant-là, y me désespère tellement, c’est presque pas croyable. Tellement désespéré qu’un soir savez-vous qu’est-ce j’ai faite? J’ai regardé L’Autre télévision* . Faut être désespéré rare, han? Ah tabarnouche! Non, mais y avait un psychologue qui parlait des jeunes, j’ai dit: « M’as écouter au moins qu’est-ce qu’y en a à dire, t’sais? » Y dit: « Vous savez, c’est très difficile d’ète adolescent aujourd’hui! » J’ai dit: « Ça l’air! En tout cas, l’mien a d’la misère en sacrifice! » T’sais, j’parle toujours au gars d’la télévision. Ca m’fait rien qu’y réponde pas; j’parle ben à ma femme, à répond pas non plus, fa que… Y dit: « C’est parce que c’était plus facile dans notre temps! » J’ai dit à ma femme: « Y connaît rien, lui! Comment ça c’tait plus facile? On avait rien, tabarnouche! rappelle-toi, Minou, on avait e-rien! » Y dit: « C’était plus facile dans notre temps, parce que nous n’avions rien. » J’ai dit: « Y connaît ça, on est correct…. » Y dit: « C’était plus simple parce que comme nous n’avions rien, nous étions devant tout et comme nos enfants ont tout, ils se retrouvent devant rien. » Y dit: « En plusse, à cause de l’information aujourd’hui, à cause de la télévison, les enfants sont beaucoup plus débrouillards que nous étions à leur âge. » Là, j’dis à ma femme: « Ferme la télévision, y connaît rien! » Mon tarla plus débrouillard que j’étais? J’gagnais ma vie à son âge, moé! J’ai commencé à travailler à 13 ans! Débrouillard, lui? Sa chambre est grande comme ma main, y a pas réussi à trouver sa garde-robe encore! Le panier à linge sale est jusse à porte de sa chambre, y s’enfarge dedans 20 fois par jour, y l’a jamais vu! Toute son linge sale est su son plancher d’chambre! L’autre jour, y dit: « SIRGH WEUH RGAH? » J’ai dit: « Non. J’te prête pas mon char. » Y dit: « Poughoih? » J’ai dit: « Tout d’un coup que quelqu’un a laissé un panier à linge sale dans rue, tu l’verras pas, tu vas l’frapper! ».
Non, mais un samedi y m’a fait un affaire, j’pensais l’étriper, eille! C’est pas croyable, tu t’dis: « Ça s’peut pas! » mais ça s’peut. Ma femme était partie avec une amie, magasiner pis manger ensemble, t’sais. À dit: « Tu vas garder l’grand, mais dis-y pas que tu l’gardes. Tu fais à semblant d’être là par hasard. » J’ai dit: « O.K. » Ça fait que là, j’reste à maison. Y était dans sa chambre, y faisait pas d’bruit, rien. D’un coup, j’ai pensé, y me l’avait dit que la veille, y avait eu un cours de sexologie. Alors j’m’ai dit: « Y doit être en train d’faire ses devoirs, t’sais… »
Fa que là, j’ai été m’coucher su l’sofa. J’m’ai dit: « J’vas faire un p’tit somme pendant qu’y va faire ses affaires. » T’sais, j’étais ben fatiqué. J’viens pour m’assoupir, mon tarla arrive: « ARGH WAVKH MÉWJ! » Ah tabarnouche, j’ai faite un saut! Non, mais t’sais… J’ai dit: « Non non, popa est fatiqué là, bon. » Y dit: « AHA HWIFDN! » J’ai dit: « Pas après-midi. » Y dit: « AJA EH AHWÉPGKË! » Ah, j’ai dit: « O.K. d’abord, fatiquant, m’as y aller! » Y m’achalait pour que je l’amène au magasin, un magasin spécial où c’qu’y vendent du linge neuf mais qui a l’air vieux. T’sais, y l’déchirent pis y l’salissent toute d’avance.
Eille, j’prends la peine de me l’ver, m’habiller, on arrive dans l’garage. Comme on arrive dans l’garage, j’entends l’téléphone qui sonne. Eille, là j’ai été pogné! là, j’ai dit: « Qu’ossé que j’fais? » Oubliez pas que chu tout seul avec, moé. Si j’vas répondre, qu’ossé qu’y va faire tout seul dans l’garage, là lui? l’aut’jour, y m’a arraché toutes les barreaux d’la galerie. J’ai dit: « Qu’est-ce t’as faite là? » Y dit: « BWUGH ORFLBZHAU! » Y dit: « Tu m’as jamais dit qu’y fallait pas l’faire. » Alors imagines-vous! Là, d’un autre côté, si je l’envoye répondre pis qu’y répond: « WHAARGUU! » pis c’est un client, m’as perdre un client, moé là! Fa que j’mai dit: « M’as aller répondre mais j’vas y dire de pas bouger. » J’dis à mon tarla: « Bouge pas! Attends Popa. Non, bouge pas! » Non non, c’est pas qu’j’avais peur pour mon char: mon char était barré. Non, c’est parce que moé, dans mon garage, j’ai mon établi. Et su mon établi, y a MES outils. Et ca, mes outils, c’est sacré. O.K. là? Bon. ON TOUCHE PAS À MES OUTILS! Moé-même j’y ai jamais touché. Moé, mon égoïne est encore dans sa gaine originale. J’aimerais pouvoir en dire autant d’ma femme… Et sur mon établi, j’ai un p’tit coffre en bois, gossé à la main par mon grand-père. Y l’a vu, mon p’tit coffre, lui! Mon grand-père a gossé ça en 1884, alors c’est précieux!
Je r’viens du téléphone, mon tarla y a planté des clous d’quatre pouces dans le p’tit coffre en bois que mon grand-père m’avait gossé à main! Pis là, y dépassaient pis pour pas que j’m’en aperçoive, y essayait d’les scier avec mon égoïne. Là moé, j’veux l’tuer! J’y dis: « T’EN AURAS PAS D’LINGE NEUF QUI A L’AIR VIEUX! VA-T’EN DANS TA CHAMBRE, J’VEUX PUS T’VOIR LA FACE! » Y dit: « WOÉ WPO WOA WÉA AH WA! » Y dit: « C’est pas d’ma faute, tu m’laisses rien faire! » J’ai dit: « Flye, j’veux pus t’voir, parle-moé pus! » Eille, y était assez fâché, y m’a parlé, je l’ai compris! Y dit: « J’ai pas demandé de v’nir au monde! » Ben j’ai dit: « Une chance que t’as pas demandé de v’nir au monde parce qu’avec la face que t’as, la réponse aurait été non! »
T’sais, des fois, des hommes comment qu’on est inquiets des fois nous autres en vieillissant. On a toujours peur qu’un soir en s’berçant sua galerie, la vieille nous dise: « Ben t’sais, mon Marcel, l’deuxième ou l’troisième, y était pas à toé celui-là… » Ben là, je garde mon tarla pis toués soirs je prie pour que ma femme me dise qu’y est pas à moé celui-là!
- L’autre télévision était le slogan de Radio-Québec, la télévision nationale fondée en 1975, devenue aujourd’hui Télé-Québec.